III/ L’assistante de Mère Mathilde
Mère Sainte Mathilde Raclot est depuis 1876 la supérieure du Japon, une charge très lourde qu’elle accomplit avec dévouement. Néanmoins, Mère Mathilde est très âgée et sollicite à la Supérieure générale une soeur comme assistante. Mère Ludgarde est choisie et elle quitte dès lors sa fonction de supérieure d’Armentières pour embarquer vers l’Asie.
La correspondance détaillée du voyage permet de retracer la vie à bord du Melbourne, qui transporte dix soeurs de la congrégation destinées aux missions en Asie, dont cinq pour le Japon. Mère Ludgarde correspond régulièrement avec la Supérieure générale pour lui rendre compte du voyage, et demande à une autre soeur de rédiger un journal. Mère Ludgarde semble se placer dans une posture de supérieure et veille sur les autres soeurs durant la longue traversée.
Les dix religieuses apprennent l’anglais à bord du bateau, mais elles souffrent de la chaleur qui les contraint au repos. Mère Ludgarde arrive le 28 octobre à Singapour et les soeurs restent quelques jours dans la communauté, avant que celles destinées au Japon ne repartent vers leur destination finale.
Arrivée au Japon, Mère Ludgarde commence sa tâche comme assistante de Mère Mathilde et est notamment en charge de l’économat. Elle y continue l’apprentissage de l’anglais et débute celui du japonais. Elle soutient fermement que les supérieures locales au Japon doivent en connaître la langue, notamment pour éviter de passer par un interprète et afin de mieux communiquer avec les coadjutrices et enfants japonais.
Il semblerait que Mère Ludgarde ait été un appui pour Mère Mathilde dans son travail et qu’elle se soit investie dans sa mission. Mère Mathilde écrit en 1901 que : « Plus de vie intime avec Dieu, moins de responsabilité ; ma soeur Ste Ludgarde peut aujourd'hui prendre sur elle ce que je ne peux réellement plus porter […] ». Mère Ludgarde poursuit quelques activités dans l’enseignement, faisant passer des examens, comme par exemple en décembre 1901 où elle remplace Mère Mathilde lors des examens des classes européennes.
La santé déclinante de Mère Mathilde est souvent le sujet des lettres qu’elle envoie à la Supérieure générale, suggérant que Mère Ludgarde avait un rôle privilégié auprès de la supérieure du Japon. Les sentiments qu’entretiennent Mère Mathilde et Mère Ludgarde ne sont pas connus. Ils sont probablement mêlés de respect et confiance, même si Mère Mathilde rapporte dans une lettre en 1901 l’écart générationnel entre elles : « Ma soeur Ste Ludgarde fait son expérience, celle des autres sert peu en général, ce n'est pas une plainte que je fais, mais il y a tant de distance entre nos âges ».