IV/ Fondation de la mission japonaise
En 1860, le père Girard, supérieur de la mission du Japon en escale à Singapour, s’était enquis auprès de mère Mathilde de savoir si dans l’hypothèse de l’ouverture du pays, les soeurs seraient prêtes à s’y implanter. En effet, depuis quelques années, la situation politique japonaise avait évolué. Le Japon ré-ouvrait progressivement ses portes, permettant aux MEP, notamment à Monseigneur Petitjean, vicaire apostolique du Japon, de s’y installer et de découvrir la présence de chrétiens, encore persécutés par le pouvoir en place. La pacification du Japon ouvrit la voie à la fondation d’une mission. Mère Mathilde partit de Singapour le 10 juin 1872 avec quatre soeurs pour fonder cette mission à laquelle elle ne devait pas participer.
Cependant, derrière l’exaltation d’atteindre le pays de ses rêves, mère Mathilde entrevoyait à peine la difficulté de s’implanter dans un pays marqué par un fort antichristianisme et sans ancrage occidental. Depuis les années 1850, le Japon entrait dans une période d’ouverture et de profonde mutation politique, culturelle et sociale. L’entrée dans l’ère Meiji en 1868 marquait l’avènement d’un pouvoir politique centralisé et absolu et une modernisation du pays. Les soeurs de l’EJNB étaient les premières missionnaires féminines à s’implanter au Japon. Bien accueillies par les autorités, elles ouvrirent une première école pour filles à Yokohama ; mère Mathilde y laissa ses consoeurs et repartit à Singapour.
Au Japon, à Singapour comme en Malaisie, les difficultés persistaient et se ressemblaient : la faiblesse des effectifs, un travail considérable, le climat tropical, les maladies et le manque de moyens financiers rythmaient le quotidien des soeurs et compliquaient leurs missions. De nombreuses soeurs, incapables de s’adapter au climat ou à la vie missionnaire, rentraient en France, quand elles ne décédaient pas de maladie. La mission japonaise, manquant de soeurs, reposait donc sur des bases très fragiles.
Mère Mathilde, chargée par la supérieure générale des missions d’Asie, était très sollicitée. Celle-ci partit plusieurs fois entre 1873 et 1876 pour accompagner la mission japonaise, installer de nouvelles soeurs, refonder la mission de Malacca, procéder à des acquisitions foncières et engager des travaux, ou encore soutenir moralement et spirituellement ses consoeurs. Âgée de 62 ans en 1876, ces déplacements incessants, la charge de travail conséquente et les difficultés de la mission japonaise devinrent très éprouvants.
Au tout début de l’année 1876, le décès de la supérieure du Japon ouvrait de nouveau à mère Mathilde les portes du territoire nippon.
Chargée de l’intérim du supériorat de la mission japonaise, mère Mathilde était arrivée à Yokohama le 25 janvier 1876 sans être fixée sur la pérennité de cette tâche. En septembre, après des mois d’incertitude, la nomination d’une nouvelle supérieure à Singapour fit de mère Mathilde la supérieure du Japon. L’année suivante, en 1877, disparaissait la supérieure générale qui exerçait depuis 40 ans, remplacée par la mère Sainte-Aloysia Millet. Après la reconnaissance de l’Institut en 1866 par la papauté, mère Mathilde put prononcer ses voeux perpétuels en 1879.
Installées à Tokyo et à Yokohama, les soeurs étaient confrontées à l’hostilité de la population, aux catastrophes naturelles et à la difficulté de la langue japonaise, que mère Mathilde apprenait avec rigueur. Mère Mathilde fut derechef sollicitée en Malaisie, où elle retourna une dizaine de fois jusqu’en 1883. Un grave problème de santé en 1883 ne lui permit plus de voyager, la fixant définitivement au Japon.